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Vaccination contre la COVID chez les patients atteints de LLC et de MW - Recommandations FILO LLC-MW

CONTEXTE
Les infections à SARS-CoV-2 ont une plus grande sévérité chez les patients atteints d’hémopathies malignes en général [1,2] et de leucémie lymphoïde chronique en particulier [3]. Cette sévérité se traduit par un risque accru de développement de formes graves de Covid-19 et une plus grande mortalité, y compris après ajustement sur les principaux facteurs de risques généraux (âge, sexe, obésité, …) [1].
La mortalité observée chez les patients atteints d’hémopathies malignes et hospitalisés pour Covid-19, avoisine 35% dans les études récemment publiées [2-4] et est même supérieure à 45% chez les patients de plus de 60 ans [2]. Le risque de formes graves de Covid-19 concerne tous les patients, qu’ils soient ou non en cours de traitement [2] et quel que soit le délai par rapport au diagnostic initial [1]. Pour les malades atteints de LLC, ce surrisque est aussi observé chez les patients, de stade A notamment, qui n’ont pas encore nécessité de traitement spécifique [3].
La vaccination contre la Covid est en cours de déploiement sur le territoire français depuis la fin décembre 2020 et pour le moment seuls sont disponibles les vaccins ARNm Comirnaty (Pfizer/Biontech) et Moderna. D’autres vaccins devraient être disponibles rapidement, notamment celui développé par AstraZeneca qui utilise une stratégie différente avec un vecteur viral [5]. 
Ces vaccins ont montré, dans les cohortes de population générale étudiées, une grande efficacité de protection vis-à-vis du développement de formes graves de Covid-19 mais il persiste un certain nombre d’inconnues sur la durée de la protection vaccinale et la capacité de ces vaccins à limiter la  transmission du virus. Il n’existe en revanche pas de données solides sur la protection apportée par ces vaccins chez les patients immunodéprimés, La HAS a recommandé fin novembre 2020 une stratégie de priorisation des populations à vacciner puisque que les capacités d’approvisionnement en vaccins seront dans un premier temps limitées [6].
Cinq phases ont été définies en débutant par les sujets âgés institutionnalisés (EHPAD, USLD) et le personnel soignant de plus de 50 ans ou porteur de comorbidités (1re phase), puis les sujets de plus 75 ans suivis des sujets de plus de 65 ans (2e phase). Un communiqué de la HAS mis en ligne le 18 décembre 2020 a précisé ces recommandations, en introduisant la possibilité d’envisager, dès le début de la phase vaccinale et sur la base d’une appréciation du rapport bénéfice/risque, la vaccination de sous populations non priorisées du fait de leur âge mais particulièrement vulnérables tels que les patients atteints de déficits immunitaires sévères ou d’hémopathies malignes [7]. Le conseil d’orientation de la stratégie vaccinale dirigé par A. Fischer a validé la priorisation des patients ayant reçu une thérapie cellulaire et des malades atteints d’hémopathies malignes, mais sans qu’il n’y ait eu à ce jour de
communiqué officiel.


Quels patients doivent bénéficier de la vaccination en priorité ?
Tous les patients atteints de LLC et de macroglobulinémie de Waldenström (MW) ont un risque accru de développer une forme grave voire létale de Covid-19, qu’ils s’agissent des patients non encore traités (LLC de stade A par exemple), des patients en cours de chimiothérapie ou sous traitement ciblé (le rôle protecteur des inhibiteurs de BTK initialement suggéré ne semble pas confirmé) ou des patients à distance de leur traitement.
Dès lors, la vaccination doit être proposée à TOUS les patients sans qu’il soit possible d’identifier une sous-population qui soit « encore plus à risque » que les autres et dès lors de proposer un ordre de priorisation tenant compte de leur typologie.
Il est recommandé de façon générale de vacciner aussi les patients qui ont déjà fait la Covid-19 en attendant un délai de trois mois après l’infection. Les patients chez lesquels, passé ce délai de 3 mois, la sérologie Covid-19 est positive ne sont dès lors pas considérés comme prioritaires pour la vaccination tant que l’approvisionnement en vaccins ne sera pas suffisant pour toute la population.

Quel vaccin utiliser ?
Pour le moment, la question n’est pas d’actualité car seuls sont disponibles les vaccins utilisant la technologie ARNm, Comirnaty et Moderna, et il n’y a pas de différence d’efficacité attendue entre ces deux vaccins.
Lorsque seront disponibles des vaccins utilisant un vecteur viral (virus atténué non pathogène chez l’homme) tel que celui développé par AstraZeneca, la prudence inciterait à privilégier, au moins dans un premier temps, les vaccins ARNm chez les patients non immunocompétents.


Existe-il des contre-indications à la vaccination chez les patients atteints de LLC et de MW ?
Il n’y a pas de contre-indication à la vaccination contre la Covid (par les vaccins ARNm) qui soit directement liée à l’hémopathie par elle-même ou à son traitement.
La prudence s’impose, tout comme dans la population générale, pour les patients avec des antécédents allergiques sévères.


Quel intervalle entre les deux injections vaccinales ?
Compte-tenu de la limitation actuelle du nombre de doses de vaccin, il a été suggéré, sur la base des données disponibles et dans le but de faire bénéficier rapidement de la vaccination le plus de personnes possible, qu’il pouvait être envisageable d’augmenter le délai entre les deux injections vaccinales jusqu’à 6 semaines. Cette proposition est fondée sur des constatations faites dans des cohortes qui ne comportaient pas de sujets immunodéprimées.
Dès lors, en raison du déficit immunitaire B et T sous-jacent chez les patients atteints d’hémopathies malignes (LLC notamment) et de l’incertitude sur la qualité de la réponse vaccinale, il est souhaitable de s’en tenir au schéma usuel avec un intervalle de 3 semaines entre les deux injections (et en tout cas d’essayer de ne pas dépasser un délai de 4 semaines).


Quel timing pour la vaccination (patients sous traitement) ?
La vaccination peut être réalisée à n’importe quel moment pour les patients sous thérapie orale continue. Pour les patients sous chimiothérapie, les recommandations existantes pour d’autres vaccinations suggèrent de la réaliser au mieux entre deux cures de traitement (bien que cela puisse être source de déplacements supplémentaires si la vaccination est réalisée sur site).
Les patients inclus dans un essai clinique prospectif doivent au même titre que les autres avoir un accès rapide à la vaccination contre la Covid.


Quel risque spécifique de la vaccination anticiper chez les patients atteints de LLC ?
Il existe un risque théorique que la réponse inflammatoire aux vaccins à acides nucléiques puisse être délétère chez les sujets avec un terrain prédisposant aux réactions inflammatoire voire aux maladies auto-immunes. Ce risque n’est que théorique et la vaccination avec un vaccin ARNm (non vivant) n’est pas contre-indiqué en cas de maladie auto-immune. En raison de la propension des patients atteints de LLC à développer des manifestations auto-immunes et plus particulièrement des cytopénies auto-immunes, il faut néanmoins garder à l’esprit ce risque théorique et déclencher les investigations appropriées en cas de doute.


Faut-il évaluer en routine l’efficacité vaccinale ?
Il n’existe à ce jour aucune recommandation ∙ en population générale ∙ pour évaluer l’efficacité de la vaccination par des tests sérologiques.
L’efficacité de la vaccination chez les patients immunodéprimés doit en revanche être évaluée et il ne peut qu’être recommandé de participer aux cohortes dédiées qui vont se mettre en place.

Références :
1. Williamson EJ, Walker AJ, Bhaskaran K et al. Factors associated with COVID-19-related death using OpenSAFELY. Nature 2020, 584 : 430-6
2. Vijenthira A, Gong IY, Fox TA et al. Outcomes of patients with hematologic malignancies and COVID-19: a systematic review and meta-analysis of 3377 patients. Blood 2020, 136: 2881-92
3. Mato AR, Roeker LE, Lamanna N et al. Outcomes of COVID-19 in patients with CLL: a multicenter international experience. Blood 2020, 136: 1134-43
4. Chari A, Kemal Samur M, Martinez-Lopez J et al. Clinical features associated with COVID-19 outcome in multiple myeloma: first results from the International Myeloma Society data set. Blood 2020, 136: 3033-40
5. Vaccins contre la Covid-19 : questions et réponse. Un texte de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française à destination des soignants. https://www.infectiologie.com/UserFiles/File/groupe-prevention/covid-19/vaccins-covid-19- questions-et-reponses-spilf-24dec2020.pdf 
6. Rapport HAS – novembre 2020 : Stratégie de vaccination contre le Sars-Cov-2 Recommandations préliminaires sur la stratégie de priorisation des populations à vacciner : https://www.hassante.fr/upload/docs/application/pdf/2020-11/strategie_de_vaccination_contre_le_sars-cov- 2_2020-11-30_10-40-59_242.pdf
7.https://www.has-sante.fr/jcms/p_3225633/fr/vaccination-contre-la-covid-19-la-has-precise- sesrecommandations- sur-la-priorisation-des-publics-cibles 

Rédaction : F. Cymbalista, A. Delmer, P. Feugier, V. Leblond, V. Lévy, A.-S. Michallet | 14 Janvier 2021 |

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